L’Ambassadeur Ndayisenga poursuit ses rencontres avec les Burundais de Belgique.
De notre envoyé spécial à Namur, Jérôme Bigirimana
Après Liège, c’était le tour des Burundais des provinces de Namur et de Luxembourg de s’entretenir avec leur Ambassadeur Félix Ndayisenga ce vendredi 03 mai dans les enceintes de la faculté des sciences économiques, sociales et de gestion de l’Université de Namur. Dans toutes ces rencontres, c’est la même approche : aller à la rencontre de ses concitoyens, les informer sur la situation sociopolitique actuelle du Burundi et leur rendre compte de ce qui se fait avant de les interpeller à contribuer davantage à la belle image et au développement du Burundi. Malgré un taux de participation inférieur à celui de Liège, l’Ambassadeur reste toujours apprécié par les Burundais de Namur et de Luxembourg.
Comme à Liège, l’Ambassadeur Ndayisenga a d’abord vanté quelques unes des mérites du Gouvernement qu’il représente. Selon lui, le Burundi excelle dans de nombreux domaines. C’est notamment le premier prix mondial dans la lutte contre le paludisme, le taux de vaccination très élevé (88%), premier grand réformateur africain selon la Banque Mondiale. A côté de cela, l’Ambassadeur énumère d’autres performances personnelles ou collectives qui honorent le Burundi comme la distinction récente de la Boucherie Charcuterie Nouvelle de Bujumbura, les différentes qualifications décrochées en athlétisme par la burundaise Francine Niyonsaba, Audace Machado, l’heureux gagnant du prix Comesa Media Awards et d’autres encore.
De belles performances oui, mais qui ne devraient pas faire oublier tout un océan de défis et de misère dont les Burundais font face au quotidien. Certains défis comme l’insécurité, la corruption, la mauvaise gouvernance, le non respect des droits de l’homme, etc. étant perçus comme l’échec du Gouvernement actuel, le diplomate Ndayisenga évite d’en parler ou presque. Il se presse plutôt à appeler la diaspora burundaise à témoigner plus de confiance aux institutions de leur pays et à une plus grande solidarité.
Et surtout de ne pas tenir de propos médisants contre leur pays d’origine et de bien (re)présenter le Burundi partout où ils sont. « Il faut protéger sa maison, son pays d’origine, éviter de propager des opinions hostiles contre votre maison. Constatez vous-même que même naturalisés, on continue de vous voir comme des Belges d’origine burundaise. Donc, des Burundais. Salir le Burundi c’est donc salir votre propre maison », a exhorté l’Ambassadeur Ndayisenga.
En contrepartie, toujours selon l’Ambassadeur Ndayisenga, l’Etat burundais s’est engagé à protéger les intérêts des burundais partout où ils sont, au Burundi comme à l’étranger. C’est ainsi que le diplomate a annoncé une série d’initiatives déjà entamées notamment la question des passeports dont la première mission de travail de l’équipe de Bujumbura pourrait avoir lieu en juillet prochain.
Mais ce qui aura retenu l’attention des participants, c’est surtout les accords de coopération et de jumelage que l’Ambassadeur a obtenu des autorités académiques et administratives namuroises.
En effet, l’Ambassadeur Ndayisenga a annoncé que l’autorité provinciale namuroise venait d’accepter un jumelage avec une province du Burundi dont il s’est refusé de dévoiler le nom. Il y a aussi un partenariat entre l’Ecole provinciale d’Agronomie et des sciences de Ciney (Namur) avec l’Institut Technique d’Agriculture du Burundi, ITAB Karuzi. Enfin, le diplomate burundais a rappelé une idée pas nouvelle mais à renforcer : celle de la mise sur pied d’un Institut jésuite au Burundi. Il sera le fruit de coopération entre l’Université de Namur et l’Université du Burundi. Cela aurait été déjà décidé lors du congrès des anciens étudiants des Collèges jésuites tenu à Bujumbura en 2010.
C’est donc cet élan de dynamisme de relations et de partenariats pour le Burundi que l’Ambassadeur Ndayisenga veut inculquer aux Burundais de Belgique. De là, il regrette que lors de la semaine belge au Burundi, parmi la cinquantaine de belges partis au Burundi pour les affaires, il n’y avait aucun d’origine burundaise. Constat relayé par Mme Roshamani Ebrahim (photo) qui ne voit aucun Burundais lors de ses tournées dans la ville de Namur au cours desquelles elle récolte des fonds pour les enfants burundais atteints de trisomie 21 et autisme. Mme Roshamani est née au Burundi mais elle est d’origine indienne. Elle veut construire un grand centre au Burundi pour prendre en charge ces enfants.
Les questions posées
Commencée vers 18H30, avec une heure de retard sur le programme annoncé, la rencontre de Namur n’a pas connu de nombreuses questions comme à Liège. Et l’essentiel des questions concernait la sécurité, les élections de 2015, la Commission Vérité et Réconciliation, les passeports biométriques, etc.
Et comme la rencontre s’est tenue en milieu universitaire, les étudiants avaient aussi répondu au rendez-vous et ont, sans surprise, posé la question récurrente, celle de leur bourse jugée très maigre. Mais aussi, un contrat de bourse ne tenant pas compte des réalités actuelles.
Selon le Doctorant Léonce Mpunikiye, chercheur au sein de l’Unité des Statistiques de l’Université de Namur, « le contrat actuel prévoit une période de 5 ans (2 ans de master et 3 ans de doctorat), mais cette durée est insuffisante parce que la plupart des étudiants commencent actuellement par l’année préparatoire au master, ce qui porte le nombres d’années de master à trois. Par ailleurs, il est rare de finir sa thèse en 3 ans ». M. Mpunikiye demande au Gouvernement de revoir le contrat et propose une durée de 7 ans pour bien faire sa maîtrise et sa thèse en toute quiétude.
A ce sujet, l’Ambassadeur Ndayisenga assure avoir pris de bonnes notes et qu’il a déjà rencontré les Recteurs d’université pour échanger à ce sujet. En outre, il prévoit une rencontre spéciale pour les étudiants boursiers du Gouvernement. L’Ambassadeur Ndayisenga dit bien comprendre les doléances des étudiants. Par ailleurs, « on a besoin que nos étudiants excellent dans les concours internationaux pour honorer le Burundi. C’est pourquoi on doit aussi s’occuper des étudiants burundais en Belgique », a-t-il précisé.
Plus de solidarité
« Travailler isolement peut certes faire gagner, mais on gagne plus et on va plus loin en travaillant en synergie », a martelé l’Ambassadeur Ndayisenga. Pour lui, inutile de se faire des crocs-en jambe. Chacune des associations pourrait bien poursuivre ses objectifs tout en se joignant aux autres pour des projets communs, fédérateurs. Il a encore signifié qu’il ne veut pas s’immiscer dans le fonctionnement des associations de droit belge (et donc des personnes morales belges). « J’ai uniquement le devoir de rendre compte directement aux citoyens. Ce que je peux faire, ce n’est que les soutenir, les encourager à plus de solidarité ». C’est ainsi qu’il a dit encourager tous ceux qui travaillent dans le sens de rassembler les Burundais notamment Terre Neuve asbl, une organisation de droit belge, active dans la recherche de terrain d’entente et de résolution pacifique des conflits depuis plus de 10 ans. Terre Neuve travaille actuellement à trouver un terrain d’entente pour une diaspora burundaise plurielle mais solidaire.
Toujours apprécié
A Liège comme à Namur, l’Ambassadeur Ndayisenga maintient la cote. A Namur, une trentaine des Burundais et amis du Burundi étaient au rendez-vous. ARIB.INFO a interrogé quelques participants à la fin de la rencontre. Mention générale : 8 sur 10. Unanimement, tout le monde parle d’un Ambassadeur « jeune, dynamique, simple, proche de gens ». Et certains, comme Christian Senga et Tite Kubushishi, garderont l’image du diplomate burundais qui a marché avec eux, depuis la faculté des sciences économiques de Namur jusqu’au café L’Atlantique où il leur a offert un verre d’amitié (plus d’1 km).
Pour Gaspard Kirombo, représentant la Section Namur-Luxembourg de l’asbl Diaspora Burundaise de Belgique (DBB), « Ndayisenga est un Ambassadeur de type nouvelle génération, dynamique, qui va vers les gens et Il sait bien répondre aux questions dans un langage diplomatique et philosophique. Cette rencontre a été une grande opportunité pour nous aussi de nous rencontrer parce que les gens de Namur et Luxembourg n’avait jamais eu cette occasion. Au sein de la DBB Namur-Luxembourg, nous préparons une journée sportive et culturelle le 1er juin et cette rencontre avec l’Ambassadeur nous a été donc d’une grande opportunité d’échanges avant cette date. En tout cas, c’est une bonne et première expérience très réussie. »
Avec une petite dose de scepticisme quant à la suite, Tite Kubushishi apprécie aussi l’excellente initiative de l’Ambassadeur Ndayisenga. « Ce nouvel Ambassadeur est proche de gens. Imaginez un Ambassadeur qui a marché avec nous depuis là-bas jusqu’ici. Moi, je n’aime pas juger les gens arbitrairement. Mais, au delà de ce qu’il est, moi je l’apprécie beaucoup. Franchement, c’est du jamais vu. Seulement, attendons voir si ça continue comme cela », a-t-il relativisé.
L’Ambassadeur Ndayisenga se déploie à ramener à la confiance des Burundais de Belgique. Il a jusqu’à présent réussi à s’attirer la sympathie de ses concitoyens à Liège et à Namur-Luxembourg. Cependant, sa réussite tiendra longtemps en fonction de la politique de Bujumbura. Et comme le dit Kubushishi, « wait and see » si l’Ambassadeur va maintenir le cap et qu’il aura la même cote à Bruxelles, Anvers et Mons. [Fin]