1. Le Gouvernement du Burundi a suivi avec attention le débat au Parlement Européen, en date du 18 septembre 2014, ainsi que la résolution adoptée sous le titre Burundi, en particulier le cas de Pierre Claver Mbonimpa, 2014/2833 (RSP).
2. Le Burundi, tout comme les pays membres de l’Union Européenne, a pris volontairement des engagements internationaux dans le domaine des droits de l’Homme et demeure attaché à ces valeurs universelles, y compris l’accord de Cotonou, la déclaration universelle des droits de l’homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples évoqués dans cette résolution et bien d’autres ;
3. De par son passé, les différentes tragédies que le Burundi a traversées ont toujours été caractérisées par le mensonge, la diabolisation, la manipulation de l’opinion, la propagation des rumeurs qui ont conduit à la disparition de plusieurs centaines de milliers de vies humaines.
Malheureusement, cette mentalité de recours à la manipulation et à la déformation de la vérité reste encore enracinée chez certains activistes de la société burundaise, et dont les rapports semblent avoir fortement influencé les députés européens dans les conclusions qui ont guidé la rédaction de leur résolution.
4. En outre, le Burundi a, ces derniers mois, fait face à une vaste campagne de désinformation et de mensonges. Cela n’est donc pas étonnant que certains députés européens aient, dans leurs interventions, fait référence à certaines de ces rumeurs qui, faut-il le rappeler encore une fois, ont été à la fois démenties par le Gouvernement du Burundi et par ceux-là même par qui elles étaient parties.
Nous évoquons ici les allégations sur l’armement de jeunes qui ont été avancées par le Bureau des Nations Unies au Burundi (BNUB) via un câble confidentiel CDN-037 du 3 avril 2014 adressé au Conseil de Sécurité, mais qui se sont vite estompées faute de preuves. Il en est de même des supposés entraînements paramilitaires de jeunes Imbonerakure en République Démocratique du Congo, démentis par le Gouvernement Congolais et le dernier rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur le BNUB, S/2014/550 du 31 juillet 2014, qui s’est basé à juste titre sur des investigations faites sur terrain par la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO).
5. Par ailleurs l’appréciation d’un des députés qui a déclaré séance tenante que les députés européens ne peuvent pas « assister sans rien faire à un nouveau génocide en Afrique centrale parce que le niveau d’alerte est très élevé dans la perspective des futures élections », est une affirmation injustifiée. Elle puise dans les correspondances d’un opposant politique, Monsieur Léonce Ngendakumana, Président d’une organisation non reconnue par la Loi burundaise (ADC-Ikibiri), au Secrétaire Général des Nations Unies et qui datent respectivement du 30 décembre 2013 et du 6 février 2014.
Face à ces nouveaux mensonges, le Gouvernement du Burundi fait siens les propos tenus par M. Adama Dieng, Secrétaire Général adjoint et Conseiller Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies chargé de la Prévention du Génocide, qui, lors de son dernier passage à Bujumbura au mois d’avril 2014 a déclaré que sa présence « ne signifie pas qu’il y a risque de génocide au Burundi. »
6. Le Gouvernement du Burundi saisit cette opportunité pour rappeler qu’il a lancé, depuis 2009 et en collaboration avec ses partenaires techniques et financiers dont l’Union Européenne, une vaste campagne de désarmement volontaire de la population, laquelle a permis de récupérer plus de cent mille (100.000) armes détenues illégalement par la population civile. Ce succès s’ajoute au processus de paix burundais considéré comme un modèle en Afrique pour avoir pu arrêter pacifiquement la guerre, formé de nouvelles forces de défense et de sécurité et mené avec prou un processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) sans incidents majeurs.
Le Gouvernement ne peut donc pas s’atteler à asseoir la paix et en même temps être accusé de chercher le contraire. En effet, nous cheminons courageusement vers la phase ultime dans le processus de réconciliation du peuple burundais avec lui-même, en mettant en place une Commission Vérité Réconciliation. Le Parlement burundais a déjà reçu environ un millier de candidatures pour trier ceux et celles qui piloteront cette Commission. Le Gouvernement ne peut donc pas se tenir prêt à ressasser les crimes du passé tout en se rendant coupable d’autres, au risque de perdre sa crédibilité.
7. Cela dit, le Parlement Européen a déjà adopté d’autres résolutions sur l’impunité en Afrique et de surcroit appelle souvent à la mise en œuvre adéquate du principe de séparation des pouvoirs. Paradoxalement, le même parlement demande au Gouvernement burundais de s’immiscer dans le fonctionnement de la justice, en libérant M. Pierre Claver Mbonimpa, comme si ce dernier était un prisonnier de conscience, poursuivi pour avoir uniquement exercé son droit d’opinion à la Radio. Ce qui est, bien évidemment erroné et sciemment concocté par ceux-là même qui veulent manipuler l’opinion sur ce cas précis.
Monsieur Pierre Claver Mbonimpa est poursuivi par la justice pour fabrication de fausses preuves et non pour ses déclarations aux médias car il s’est toujours exprimé librement tout comme les autres activistes de la société civile, et n’avait jamais été inquiété.
8. Sur le même chapitre, il est tout autant incorrect de lier l’emprisonnement actuel de Monsieur Pierre Claver Mbonimpa à d’autres poursuites judiciaires antérieures et encore moins à ses activités de défenseur des droits humains comme l’a affirmé l’un des députés lors du débat.
En effet, Monsieur Pierre Claver Mbonimpa a eu d’autres démêlés avec la justice burundaise, il y a 8 ans, pour homicide involontaire (RMP 2048), pour accident de roulage en avril 2002 (RMP 1366), pour accident de roulage en janvier 2002 (RMP 104666), condamné en 1995, à deux ans de prison ferme pour détention illégale d’arme à feu (RMP 93269) et plusieurs fois pour émission de chèques sans provision (RMP 64200, RMP 62606, RMP 74056, RMP 73846, RMP 62195, RMP 60989, etc.).
9. Le Gouvernement de la République du Burundi réaffirme que nul ne peut se mettre au dessus de la loi et l’exercice des activités de défense des droits de l’homme ne soustrait aucun citoyen aux poursuites judiciaires en cas d’infraction.
10.S’agissant des individus poursuivis suite aux incidents du 8 mars 2014 et que les Députés Européens qualifient d’ « événement pacifique organisé par le parti d’opposition », il apparaît clairement qu’ils n’ont pas été correctement informés sur le dossier.
En effet, l’événement en question n’est autre qu’une insurrection minutieusement préparée et organisée par M. Alexis Sinduhije, président du Parti MSD, actuellement en cavale et sous mandat d’arrêt international, pour s’être attaqué aux forces de l’ordre en service dont il a pris des éléments en otage, après les avoir blessés, désarmés et humiliés en les déshabillant devant des caméras des médias et en emportant leurs moyens de communication.
La découverte sur les lieux par la Police des stocks de nourriture, d’eau minérale et quantités de stupéfiants prouve en effet que l’événement n’avait rien de pacifique, sans oublier l’enrôlement dans l’insurrection des mineurs probablement inconscients du danger.
Aucun pays de l’Union Européenne ne s’y serait pris autrement devant une action pareille, que de confier le cas à la justice et aucun parlement n’aurait pu s’y opposer, d’autant plus que plusieurs voix ont condamné cet acte et que la lutte contre le terrorisme fait partie des préoccupations internationales.
Ceci dit, le Gouvernement du Burundi ne pourrait faire exception, en s’ingérant dans des dossiers qui suivent leur cours normal devant les instances judiciaires.
11.Il convient de rappeler que Monsieur Sinduhije est indexé par plusieurs rapports du Groupe des Experts des Nations Unies sur la République Démocratique du Congo comme étant parmi les déstabilisateurs de la Région des Grands-Lacs.
Il a, à plusieurs reprises, tenu un discours putschiste, annonçant devant la face du monde être prêt à renverser les institutions démocratiquement élues. Le Gouvernement du Burundi s’est étonné du silence de la Communauté Internationale face à ces agissements de nature à faire régresser la consolidation de la paix et la cohésion sociales chèrement conquises.
12.Toutefois, compte tenu du passé douloureux qu’a traversé le Burundi durant quatre décennies le Gouvernement reste déterminé à préserver, avant tout, la paix et la sécurité sur son territoire, dans la Région, ainsi que partout ailleurs où le besoin se fait sentir.
13.Il sied de rappeler aux députés européens ainsi qu’à l’opinion internationale dans son ensemble que le lourd tribut que les fils et filles du Burundi sont en train de payer en Somalie, en République Centrafricaine et ailleurs prouve à suffisance cet engagement du Burundi à contribuer dans la prévention et la répression des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité, ainsi qu’à l’instauration d’un monde respectueux des droits de l’homme et exempt de toute forme de violence ;
14.Concernant les considérations du Parlement Européen sur le travail du BNUB au Burundi, le Gouvernement apprécie à sa juste valeur le travail accompli par le BNUB dans la Consolidation de la Paix. Et compte tenu des avancées significatives accomplies par le Burundi dans ce domaine, le Gouvernement rappelle que le BNUB va passer le témoin à une Equipe Pays au 31 décembre 2014, conformément à la Résolution 2137 (2014) du Conseil de Sécurité de l’ONU et le processus de transfert des compétences vers l’Equipe Pays est très avancé.
15.Pour ce qui est de l’inquiétude exprimée par les Députés Européens sur une éventuelle modification de la Constitution, le Gouvernement du Burundi tranquillise que cette dernière qui constitue la Loi fondamentale du pays ne sera pas révisée d’autant plus qu’elle s’inspire des différents accords politiques.
16. Le Gouvernement reste attentif à la question des droits de l’homme en général et des libertés publiques en particulier. Les libertés d’expression et d’association sont largement garanties dans le pays. En témoigne le nombre élevé des médias privés (environs une cinquantaine), des associations de la société civile (autour de cinq mille), et plus d’une quarantaine de partis politiques pour un pays de la taille du Burundi. Mais les lois en vigueur doivent être respectées.
17. En rapport avec la lutte contre la corruption, le Gouvernement réitère sa détermination à sévir, en témoignent les mécanismes initiés pour la première fois dans l’histoire du Burundi, notamment la mise en place d’un ministère dédié à la bonne gouvernance, une Inspection générale de l’Etat, une brigade et une cour anti corruption. Le Gouvernement du Burundi invite plutôt le Parlement européen à appuyer ces efforts indéniables déployés contre ce phénomène mondial.
18. Le Gouvernement du Burundi réitère encore une fois son engagement à organiser des élections libres et transparentes dans un climat apaisé en se basant sur les instruments concensuellement adoptés.
19. Le Gouvernement du Burundi salue l’appel de certains députés européens à envoyer une mission de l’Union Européenne pour l’observation électorale, exhortation qui rejoint l’invitation lancée par le Chef de l’Etat burundais à l’Union Européenne, à l’Union Africaine, à la Communauté Est-Africaine et aux Nations Unies à apprêter des missions d’observation électorale longtemps avant, pendant et après les élections et à contribuer à la bonne tenue de celles-ci.
Le Gouvernement remercie le Secrétaire Général des Nations Unies qui a déjà annoncé l’envoie d’une mission onusienne d’observation dès le mois de janvier 2015 ainsi que tous ceux qui ont déjà affiché la volonté d’accompagner le processus électoral burundais. Il leur demande de disponibiliser en temps utile les financements et les moyens promis.
20. Le Gouvernement du Burundi remercie tous les pays amis voisins et de la Région, qui n’ont ménagé aucun effort pour que le Burundi recouvre la paix et qui continuent d’ailleurs à l’accompagner dans la consolidation de cette paix retrouvée. Les efforts consentis par le Burundi sont d’ailleurs, en général, constamment relevés par la Communauté Internationale ; et en particulier par l’Union Africaine (UA), la Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs (CIRGL), la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté Economique des Pays des Grands-Lacs.
21. Enfin, le Gouvernement invite les Députés Européens à se rendre constamment au Burundi pour se rendre compte de la réalité et demande à la population de rester sereine, de s’atteler au travail, et surtout de demeurer unie et de ne pas se laisser distraire ni décourager par ces mensonges que les détracteurs de notre pays propagent à travers le monde.
Fait à Bujumbura, le 25 septembre 2014.
Philippe Nzobonariba
Secrétaire Général du Gouvernement
et Porte-Parole du Gouvernement